mardi 14 janvier 2014

Je bénis l’inventeur du kit main libre...



…et aussi celui des utilisateurs sans gêne dans les transports en commun. A mon avis, ces deux là, ils étaient potes. 


J’entre dans le tramway ce soir. L’homme à côté de moi, les écouteurs dans les oreilles, est totalement amorphe et a un regard vide. Cool, musique inaudible, je suis au calme.

Ah non, son téléphone sonne, il répond, il a son kit main libre.


Ouaich gros ! J’chuis dans le tram là. Ben ouais, je vais en banlieue voir mon pote, tu vois.

 (il ne parle pas, il crie. Il ne baisse pas la tête en couvrant sa bouche avec ses mains, nan, il a la tête bien droite, et il regarde droit devant). 


Ouais j’chuis crevé ouais. Ben non, j’te dis mec, j’peux pas te voir ce soir… (un temps, assez long, on devine que son pote lui raconte un truc pas possible qui tue sa mère en short à la Bourboule…il l’interrompt). 


Ouaich poto. T’rappelles,  j’passe mon permis dans deux jours. Mais ouais, tu sais, dans deux jours. Eh, mon frère (on remarquera l’étendue du champ lexical de l’intéressé, qui prend soin d’élargir son vocabulaire et de choisir des synonymes avec pertinence), t’es avec moi hein ? Mon frère, tu m’suis hein, t’es avec moi sur ce coup là ? 

(soupirs à part soi de deux usagers assis près de lui. L’une d’elle referme son bouquin avec force et tape des pieds).


Et frère, tu sais, Aurore Trucmuche (1), tu vois ? Kestenpense ? Elle est bonne nan ? Ouaiiiiis elle est bonne j’te dis…(un temps). Moi j’te dis cousin (ah, retour au cousin, famille très soudée à ce que j’entends !), Aurore Trucmuche elle est kiffante. Elle est bonne et elle est pour mon frère. T’as vu ses s*** qu’elle a ? (là, je me permets de censurer, pour ne pas heurter les âmes sensibles) 

(regards gênés entre plusieurs âmes sensibles, justement. Il n’y a que moi que ça gêne, ou bien… ?)


Hé mec, Aurore Trucmuche (décidément, elle doit avoir ses chevilles qui enfle, Aurore) comment elle est trop canon sur sa photo facebook. Mon frère, faut que tu lui dises d’enlever ses boutons, mais Aurore, sans ça, elle est trop bonne (rire gras).

(et rires nerveux de 4 personnes autour de lui.  C’est une blague ou quoi ? Caméra cachée ?)


Et poto, tu trouves pas que j’ai une tête de gogole sur ma photo facebook ?...nan, de gogole. De GO-GO-LE. Ouais, j’sais. C’est ma photo quoi.

(tiens, un temps mort. Grand soupir de soulagement des 15 passagers assis ou debout autour de lui : on est dans un tunnel).


Allo, poto ? Ouais, ayé ça reprend…

(et allez, c’est reparti)…


L’avantage, c’est que le trajet paraît plus court, pour peu que la conversation soit intéressante…Limite, on a envie d’en savoir plus au prochain numéro...Ah, on est déjà arrivés ? Chouette ! 


L’inconvénient, c’est que si on est déjà d’une humeur massacrante, qu’on sort d’une journée de boulot sous pression, qu’il fait froid, qu’on n’a envie de rien d’autre que de rentrer chez soi tranquille pépère, ça nous pompe l’air rapidement, ces conversations forcées dans les transports…


Ce soir, j’ai décidé d’en prendre mon parti et d’en rigoler. J’en rigole encore…Mais il n’a pas intérêt de recroiser ma ligne de tramway prochainement, le gogole…




(1)      Pour des raisons d’anonymat, les noms ont été modifiés...



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