…et aussi celui des
utilisateurs sans gêne dans les transports en commun. A mon avis, ces deux là,
ils étaient potes.
J’entre dans le tramway ce
soir. L’homme à côté de moi, les écouteurs dans les oreilles, est totalement
amorphe et a un regard vide. Cool, musique inaudible, je suis au calme.
Ah non, son téléphone sonne,
il répond, il a son kit main libre.
Ouaich
gros ! J’chuis dans le tram là. Ben ouais, je vais en banlieue voir mon
pote, tu vois.
(il ne parle pas, il crie. Il ne baisse pas la
tête en couvrant sa bouche avec ses mains, nan, il a la tête bien droite, et il
regarde droit devant).
Ouais
j’chuis crevé ouais. Ben non, j’te dis mec, j’peux pas te voir ce soir… (un temps, assez long, on devine que
son pote lui raconte un truc pas possible qui tue sa mère en short à la Bourboule…il
l’interrompt).
Ouaich
poto. T’rappelles, j’passe mon permis
dans deux jours. Mais ouais, tu sais, dans deux jours. Eh, mon frère (on remarquera l’étendue du champ lexical
de l’intéressé, qui prend soin d’élargir son vocabulaire et de choisir des
synonymes avec pertinence), t’es avec moi
hein ? Mon frère, tu m’suis hein, t’es avec moi sur ce coup
là ?
(soupirs à part soi de deux
usagers assis près de lui. L’une d’elle referme son bouquin avec force et tape
des pieds).
Et
frère, tu sais, Aurore Trucmuche (1), tu vois ? Kestenpense ?
Elle est bonne nan ? Ouaiiiiis elle est bonne j’te dis…(un temps). Moi j’te dis cousin (ah, retour au cousin, famille très soudée à ce
que j’entends !), Aurore Trucmuche
elle est kiffante. Elle est bonne et elle est pour mon frère. T’as vu ses s***
qu’elle a ? (là, je me permets de censurer, pour ne pas heurter les
âmes sensibles)
(regards gênés entre
plusieurs âmes sensibles, justement. Il n’y a que moi que ça gêne, ou
bien… ?)
Hé
mec, Aurore Trucmuche
(décidément, elle doit avoir ses chevilles qui enfle, Aurore) comment elle est trop canon sur sa photo
facebook. Mon frère, faut que tu lui dises d’enlever ses boutons, mais Aurore,
sans ça, elle est trop bonne (rire gras).
(et rires nerveux de 4
personnes autour de lui. C’est une
blague ou quoi ? Caméra cachée ?)
Et
poto, tu trouves pas que j’ai une tête de gogole sur ma photo
facebook ?...nan, de gogole. De GO-GO-LE. Ouais, j’sais. C’est ma photo
quoi.
(tiens, un temps mort. Grand
soupir de soulagement des 15 passagers assis ou debout autour de lui : on
est dans un tunnel).
Allo,
poto ? Ouais, ayé ça reprend…
(et allez, c’est reparti)…
L’avantage, c’est que le
trajet paraît plus court, pour peu que la conversation soit
intéressante…Limite, on a envie d’en savoir plus au prochain numéro...Ah, on
est déjà arrivés ? Chouette !
L’inconvénient, c’est que si
on est déjà d’une humeur massacrante, qu’on sort d’une journée de boulot sous
pression, qu’il fait froid, qu’on n’a envie de rien d’autre que de rentrer chez
soi tranquille pépère, ça nous pompe l’air rapidement, ces conversations
forcées dans les transports…
Ce soir, j’ai décidé d’en
prendre mon parti et d’en rigoler. J’en rigole encore…Mais il n’a pas intérêt
de recroiser ma ligne de tramway prochainement, le gogole…
(1) Pour des
raisons d’anonymat, les noms ont été modifiés...
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